poésie à l'écoute

Fil 1/2-Actualité poétique (27/02/2011)

Ferreira Gullar (Brésil) / Machi Tawara (Japon) / Printemps des poètes / Julos Beaucarne (Belgique) / Andrée Chedid (France) / Exposition Césaire, Lam, Picasso (France) / Picasso et la poésie / Edouard Glissant (Martinique)

« Le poète est choisi par le poème » (Brésil) – Le mensuel Books n°19, de février 2011, contient trois pages d’un entretien avec Ferreira Gullar, « figure tutélaire de la poésie brésilienne contemporaine ». Militant du Parti communiste brésilien, il s’exila à Moscou, au Chili, au Pérou et en Argentine dans les années 1970. Maintenant octogénaire, il s’est vu décerner le prix Camões 2010, la plus prestigieuse distinction littéraire du monde lusophone. Après un silence d’une dizaine d’années, il a publié un nouveau recueil : Em alguma parte alguma (« Quelque part nulle part »), chez editora José Olympio (Rio de Janeiro). L’entretien est paru il y a quelques mois dans le portugais Jornal de Letras. En voici quelques extraits de la traduction française : « (…) Nul poète ne travaille comme un journaliste, tous les jours. (…) Parce qu’un poème n’est pas une chose logique, qui naîtrait de mon vouloir. C’est une découverte, un instant… Ma poésie naît de l’étonnement. Et elle dure le temps d’un étonnement. (…) Le philosophe explique le monde dans le cadre d’un système, il doit être cohérent. Le poète est incohérent. Il dit la vérité qui se révèle dans le poème, peu importe qu’elle vienne contredire un autre de ses textes. Voilà pourquoi il peut révéler des choses qu’il ne savait pas une minute auparavant, bien plus que ne saurait en expliquer la philosophie. Parfois, je vais jusqu’à me demander si la poésie est littérature. (…) L’état du poète est de désarroi permanent. J’en suis littéralement ébahi. Et d’une façon ou d’une autre, tous les poètes se ressemblent : ils sont tous sensibles à l’inattendu, aux découvertes inouïes ; il ne s’agit pas nécessairement d’extraordinaire, mais de petites choses qui en vérité appartiennent à tout le monde. (…) Alors, qu’est-ce que le poème ? Il n’est pas une révélation de la réalité, parce qu’il ne peut l’exprimer. Le poème, en vérité, est une invention de la réalité. (…) Le poème est une alchimie par laquelle la douleur se change en plaisir esthétique. (…) Si je n’avais pas connu l’expérience de l’exil, j’aurais difficilement pu l’écrire [Poème sale, son livre le plus emblématique, rédigé à Buenos Aires]. Ce fut une conjonction de hasard et de nécessité. L’Argentine vivait un moment de radicalisation politique. Un putsch militaire se préparait, dont nous savions qu’il serait violent. (…) Le poème a eu un énorme retentissement au Brésil. Il a même fait partie de la liste des livres les plus vendus. Vous imaginez ? Un recueil de poésie bestseller ! (…) »

 

L’Anniversaire de la salade (Japon) – Sous ce titre, le recueil de la poétesse Machi Tawara, née en 1962 à Osaka, professeur de littérature dans un lycée, a été vendu à plusieurs millions d’exemplaires depuis sa parution en 1987 ! Elle a revitalisé un très ancien genre poétique, le tanka, en quelque sorte le prédécesseur de l’haïku (voir notre « Fil » du 10 février). Datant de 2008, la version française de ces scènes de la vie quotidienne d’une jeunes femme japonaise est disponible aux éditions Philippe Picquier (Arles, spécialisées en littérature asiatique), qui viennent de l’imprimer en format de poche.

 

Printemps des poètes – Avec l’actrice Juliette Binoche en marraine (« La poésie cache bien son jeu ! La quintessence des mots a un pouvoir vibratoire. Sans manipulation, elle est un appel sans merci, comme une sortie de soi. C’est pas joli, c’est pas parfait, mais c’est vrai. »), la 13ème édition du Printemps des poètes, ayant pour thème D’infinis paysages, se déroulera du 7 au 21 mars. Le programme est consultable sur www.printempsdespoetes.com

 

« Au nom du pèse, au nom du fisc et du sacro saint bénéfice… Or, on n’avance que dans l’amour. » (Julos Beaucarne) – Le chanteur et poète Julos Beaucarne se confesse dans l’édition belge du mensuel Psychologies (n°6, février 2011) : « Le poète est le gardien du frisson primordial. Jongleur de mots. Jardinier des plantes de langage… J’invite chacun à apprendre des textes par cœur. Le cœur, là encore ! (…). »

 

Andrée Chedid (France) – Retenons cet extrait de l’hommage de Martine Laval dans l’hebdomadaire Télérama du 16 février 2011 : « (…) Dans Rythmes, recueil de poèmes publié en 2003, elle donne à la vieillesse qui avance, à la mort qui approche, des couleurs douces, une musique gracieuse, et invente en guise de réconciliation avec l’inéluctable des bribes de beauté : De tous les temps / Par-delà toutes les frontières / L’Amour est nôtre / A jamais ! (…) »

 

Aimé Césaire, Lam, Picasso : Nous nous sommes trouvés (France) – A partir du 16 mars et jusqu’au 6 juin 2011, une exposition inédite aux Galeries nationales du Grand Palais, à Paris, présentera les liens, noués il y a 70 ans, d’Aimé Césaire avec le poète cubain Wifredo Lam et avec Pablo Picasso. On pourra y voir les peintures et gravures de Lam (1902-1982), de Picasso et d’autres artistes inspirés par les écrits de Césaire. Notons que l’exposition sera ensuite programmée en Martinique et en Guadeloupe. Voir www.rmn.fr/Galeries-nationales-du-Grand

 

Paris, à nous deux (Picasso) – Pour l’hebdomadaire Le Vif-L’Express du 18 février 2011, Guy Gilsoul a rendu compte d’une superbe exposition qui se tient au musée Van Gogh d’Amsterdam jusqu’au 29 mai 2011. Octobre 1900, Picasso a 19 ans quand il découvre Paris. Au fil des années, il y rencontre Max Jacob ou encore Guillaume Apollinaire : « (…) Le poète l’entraîne dans le milieu des intellectuels anarchistes parisiens. Il en tire deux leçons essentielles. D’abord, l’encouragement à privilégier la recherche plastique novatrice dont la poésie donne le ton. Ensuite, la fréquentation d’un milieu intellectuel, à la Closerie des Lilas, où on débat entre autres des thèses de l’anthropologue Joseph Deniker (Races et peuples de la terre). Contrairement aux idées dominantes de l’époque (la supériorité raciale, la pureté des races…), Deniker prouve qu’il n’existe pas de grande civilisation sans métissage de cultures très diverses. (…) »

Edouard Glissant (Martinique) – Dans Les Inrockuptibles du 9-15 février 2011 (n°793), hommage de l’écrivain et poète congolais Alain Mabanckou au fondateur de l’Institut du Tout-Monde, disparu il y a peu : « (…) au fil des ans les pièces jadis éparpillées entre les textes poétiques, les œuvres romanesques et théoriques se sont rassemblées pour créer au grand jour un ensemble qu’on pourrait qualifier comme l’une des dernières hardiesses intellectuelles de notre temps. (…) ». Dans Jeune Afrique du 13-19 février 2011, il ajoute : «  (…) à la différence de la créolité – très polémique et confuse dans sa définition –, l’Antillanité n’est pas figée, elle tire ses racines de l’insularité mais étend ses branches jusqu’aux continents les plus reculés dans le dessein de remettre l’humanité, malgré ses différences, sur « la même longueur d’ondes », comme le soulignent ces vers tirés de Pays réel, pays rêvé : « J’écris en toi la musique de toute branche grave ou bleue / Nous éclairons de nos mots l’eau qui tremble / Nous avons froid de la même beauté. » Que retiendra-t-on de Glissant ? Le penseur ? Le romancier ? Le poète ? Tout cela à la fois, parce qu’il savait que la Parole ne pouvait être compartimentée. Et qu’elle aussi, comme le monde, formait un tout. » Et Gilles Anquetil de rappeler, dans Le Nouvel Observateur du 10-16 février, ces propos de Glissant : « Au plus fort de mon activité politique, dans les années 1960, j’écrivais des poèmes résolument opaques. L’obscur est le renoncement aux fausses vérités des transparences. Je réclame pour tous le droit à l’opacité. »

 

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