poésie à l'écoute

Fil-Actualité poétique 2/2 (06/07/2011)

Sergio Vaz (Brésil) / Maurice Nadeau (France) / Poésie et justice / Aragon / Homère / Hadewijch d’Anvers / Claude Gauvard (France) / Jean-Pierre Verheggen (Belgique) / Poésie et folie / Victor Hugo / Jules Laforgue (Uruguay) / Lautréamont / Stéphane Hessel / Apollinaire et Mona Lisa / Wilfred Owen (Angleterre) / Marie Drucker (France).

« La littérature entre dans les favelas » (Brésil) – Le Monde des livres daté du 27 mai 2011 s’est intéressé à la première génération d’écrivains des banlieues brésiliennes. Et a fait témoigner le poète Sergio Vaz, qui a fondé en 2000 « Cooperifa », une veillée littéraire située dans le sud de Sao Paulo : « L’Internet y est pour beaucoup, mais c’est le hip-hop, avec le rap et ses paroles de protestation, qui a le plus fait pour encourager cette littérature. (…) Je n’ai plus besoin de publier mes livres à compte d’auteur, mais je continue à les vendre dans les veillées. J’arrive à en écouler deux mille exemplaires. (…) Auparavant, on voulait quitter la périphérie, à présent nous voulons la transformer. »

Maurice Nadeau – Il a eu 100 ans en mai… L’éditeur et critique littéraire, à propos duquel la chaîne ARTE a diffusé un documentaire, (« Le chemin de la vie »), s’est exprimé sur le métier d’enseignant dans l’hebdomadaire Télérama du 28 mai-3 juin 2011 : « (…) comme instituteur, dans les années 30, j’enseignais à Thiais, en banlieue parisienne. C’était moins dur qu’aujourd’hui, mais il y avait déjà beaucoup d’immigrés. Ces gosses me plaisaient. (…) Je leur enseignais Eluard, Aragon, au grand scandale du directeur d’école, qui me disait que ce n’était pas à la portée des enfants. Il y avait un peu de provocation de ma part, il faut bien le dire, mais je voulais leur faire sentir ce que c’était que la poésie. Le surréalisme fut une telle découverte pour moi… (…) »

Poésie et justice – L’historienne et sociologue Gisèle Sapiro a rédigé La Responsabilité de l’écrivain, un essai, paru aux éditions du Seuil, décrivant les rapports entre justice et littérature en France, de Flaubert à Céline. Dans un entretien avec Le Nouvel Observateur du 2 juin 2011, elle a évoqué brièvement la poésie : « (…) Front rouge, dans lequel Aragon écrit en 1932 « Feu sur Léon Blum », n’est finalement pas jugé comme une incitation au meurtre, parce que c’est de la poésie. » En complément, cet extrait de l’ouvrage : « (…) On se souvient du débat qu’avaient soulevé les poursuites contre ce poème dans le champ littéraire, entre ceux qui, suivant Breton, s’y opposaient au nom des droits de la poésie, et ceux qui, à l’instar de Paulhan, mettaient cet argument en contradiction avec la conception révolutionnaire de la poésie promue par les surréalistes. (…) »

Le Musée Grévin et autres poèmes (Louis Aragon) – Devenu introuvable, un texte publié pour la première fois en août 1943 est réédité, au Temps des Cerises (Paris), augmenté d’une défense du réalisme en poésie, Les Poissons noirs. Commentaire de Liberté Hebdo du 29 avril 2011 : « (…) « Le Musée Grévin » est une invitation aux poètes de 2011 à trouver la forme qui convient aux événements de l’époque en même temps qu’il est une œuvre à inscrire dans la tradition des « Tragiques » d’Agrippa d’Aubigné ou des « Châtiments » de Victor Hugo. Cette édition est donc la bienvenue. »

Homère – Toujours à la mode le père de la poésie occidentale… Nous avons déjà mentionné la traduction, au Seuil, de L’Iliade par Philippe Brunet (voir Fil du 28/01/2011 et du 10/02/2011). Le quotidien Le Soir, dans le cadre de sa collection « Les Indispensables de la littérature en BD » (édtions Glénat, avec le concours de l’UNESCO), a republié récemment L’Odyssée. A la fin de l’album, un dossier pédagogique contient une biographie, des commentaires sur l’œuvre et des précisions sur la mythologie grecque, ainsi que sur le « français homérique », des mots et expressions de la langue française ayant un rapport avec L’Odyssée ou Homère.
Autre BD, prévue en sept volumes, L’âge du bronze, réalisée par le Californien Eric Shanower, aux éditions Akileos (Talence, France). Une fresque monumentale sur la guerre de Troie qui « montre que l’universalité homérique peut se décliner sous toutes les formes, pour peu que l’artiste soit inspiré par les dieux antiques. » (Le Point, 26 mai 2011). On retiendra que Shanower a vu son travail primé par les Eisner Awards, les oscars de la bande dessinée, de 2001 et de 2003.
L’helléniste Suzanne Saïd a publié Homère et l’Odyssée chez Belin, passant en revue les problèmes soulevés par l’interprétation du poème. A ce propos, la revue Clio « Histoire, femmes et société » n°32 (2010) a livré un article de l’universitaire américaine Lillian Doherty, basé sur The Authoress of the Odyssey, ouvrage de Samuel Butler, datant de 1897 (première édition française en 2009, A l’Ecluse d’aval, Viry-Châtillon). Avec une thèse originale soutenant qu’une femme a rédigé l’épopée homérique : « l’Odyssée serait-il l’ouvrage d’une jeune femme sicilienne de culture grecque ? »

Hadewijch d’Anvers, « poétesse ardente » – Jacqueline Kelen, qui vient de publier chez Albin Michel Hadewijch d’Anvers ou la voie glorieuse, signe dans Le Monde des Religions n°47 (mai-juin 2011) une présentation en deux pages de « l’une des icônes du mouvement béguinal qui s’épanouit en Europe du Nord au début du XIIIème siècle. » La vie de cette « femme de noble ascendance, très cultivée » est mal connue, mais on sait qu’elle « semble une rivale aux yeux des clercs qui se réservent le monopole de la connaissance spirituelle. » Sa biographe se demande si Hadewijch ne fut pas emprisonnée et même bannie de sa communauté… Les écrits (Visions, Poèmes et Lettres), en ancien néerlandais, sont datés de la période 1220-1240 : retrouvés au milieu du 19ème siècle, ils ont été publiés au début du suivant. Amour est tout, poèmes strophiques a été édité en 1984 chez Téqui (Paris).

« L’historien, à sa mesure, transforme lui aussi le réel pour le donner à voir. A la manière du poète, mais plus modestement que lui, car il ne vise pas l’éternité, il a quelque chose du démiurge. » (Claude Gauvard) – Sciences et Avenir de juin 2011 a rencontré la médiéviste Claude Gauvard, membre honoraire de l’Institut universitaire de France et professeur émérite à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne. Elle a détaillé ses préférences littéraires : « (…) J’aime aussi, depuis très longtemps, Victor Hugo. Plutôt le poète que l’essayiste. Les Rayons et les Ombres… ou même Les Châtiments, qui me font pleurer. Et puis Rimbaud. Sublime ! (…) Parmi mes coups de cœur, j’évoquerais aussi Baudelaire. Dans Les Salons, que je relis de temps en temps, il a cette phrase : « Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l’atmosphère, mais nous ne le voyons pas. » Autrement dit, le vrai poète, c’est le poète du quotidien, qui transforme le monde. (…) ».

Jean-Pierre Verheggen (Belgique) – Originaire de Gembloux, né en 1942, le Prix Robert Ganzo de poésie 2011 lui a été décerné durant le festival « Etonnants Voyageurs » de Saint-Malo (11-13 juin). La distinction « entend saluer un poète de tempérament, un aventurier du verbe et de la vie, un passeur d’émotions et de défis, un arpenteur de grand large et d’inconnu. » Il a fait paraître dernièrement, chez Gallimard, Sodome et Grammaire, ainsi que Poète bin qu’oui, poète bien qu’non ? On peut lire dans la présentation : « Il y a 36 sortes de poètes : champêtres ou rodomonts, Peuls ou Auvergnats voire ambigus et ambidextres à la fois ! Il y a parmi eux des alcoolos, des mycologues, des indécis, des kamikazes, des inconnus et des curés de leur propre petite gloire locale personnelle ! Sans oublier les agités du buccal et les centaines d’autres espèces. »

Triboulet, la star des fous – Le n°51 (avril-juin 2011) des Collections de l’Histoire traite de « La folie, d’Erasme à Foucault. Depuis quand a-t-on peur des fous ? » Un court article intitulé Une vie de bouffon donne une description de Feurial, dit Triboulet (v.1479-v.1536), « Fou en titre d’office » du roi Louis XII et de son successeur, François Ier. « Le poète Clément Marot [1496-1544] campe son portrait qu’il termine ainsi : « Chacun contrefaisait, chanta, dansa, prêcha / Et de tout si plaisant qu’onc [aucun] homme ne fâcha. » Ce n’est pas si sûr car Triboulet était redouté pour ses reparties. Il aurait même institué à la cour de François Ier (…) une sorte de tribunal de la folie. (…) Triboulet fut fameux en son temps et même ensuite puisqu’il inspira Hugo, Verdi, Méliès. » Et Rabelais dans son Pantagruel.

Hugo, boss du produit dérivé – Le titre est du quotidien Libération. Les « hugolâtres » seront ravis de visiter, jusqu’au 28 août 2011, l’exposition « Les Hugobjets » à la Maison Victor Hugo (où il vécut de 1832 à 1848), place des Vosges à Paris, sur les objets, publicitaires ou décoratifs, à l’effigie du poète. Fabriquées à l’occasion de son 80ème anniversaire et à l’époque de ses funérailles (1885), les pièces présentées pour la première fois (cendriers, jeux de cartes, bouteilles, assiettes, calendriers, billet de banque, etc.) proviennent de la collection particulière de Paul Beuve, fervent admirateur de l’auteur de La Légende des siècles, qui en possédait plus de 8.000 en 1902… Voir www.paris.fr/loisirs/musees-expos/maisons-de-victor-hugo/p5852

« l’un des précurseurs du vers libre en poésie » (Uruguay) – L’année dernière, on fêta le 150ème anniversaire de la naissance à Montevideo du poète franco-uruguayen Jules Laforgue, mort à Paris en 1887. Son premier recueil, Les Complaintes (1885), a enfin été traduit intégralement en espagnol, dans une édition bilingue, sous le titre Los Lamentos, par la Casa Editorial HUM (Montevideo).

Vie imaginaire de Lautréamont – Lui aussi né à Montevideo, en 1846, Isidore Lucien Ducasse, « comte de Lautréamont », était pareillement décédé à Paris, en 1870. L’auteur des Chants de Maldoror est l’objet d’une biographie « fantasmée » due à un jeune professeur de lycée et critique de cinéma, Camille Brunel, dont ce premier livre sert à « pister une silhouette anonyme tendue vers son destin de géant ». Edité par L’Arbalète/Gallimard, « un roman spectaculaire (malicieusement estampillé récit), qui marque assurément l’émergence d’un écrivain. » (Les Inrockuptibles, 15 juin 2011).

Stéphane Hessel (France) – Né en 1917, l’auteur du pamphlet best-seller Indignez-vous ! livre dans Ô ma mémoire : la poésie, ma nécessité (Points-Poésie, Paris) un choix de 88 poèmes présentés dans leur langue originale (Hölderlin, Keats, Rilke, Shakespeare, Villon). Dans l’introduction, Hessel explique le rôle joué par la poésie tout au long de sa vie.

Apollinaire et Mona Lisa – Il y a un siècle, le 21 août 1911, le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, La Joconde, était volé au musée du Louvre… Le mensuel Historia est revenu sur cette affaire dans sa livraison de juin 2011. L’historien Jean-Yves Le Naour nous rappelle que le poète Guillaume Apollinaire fut suspecté d’être à l’origine de ce vol et passa cinq jours à la prison de la Santé en septembre 1911 : « (…) Pour son malheur, ce dernier a embauché autrefois comme secrétaire particulier un individu original nommé Géry Piéret, mythomane patenté et voleur à ses heures. Il a dérobé quelques statuettes phéniciennes et ibériques au Louvre et les a revendues au poète et à un de ses amis, Pablo Picasso. (…) » Au cours de l’emprisonnement, Apollinaire a écrit « l’un de ses plus beaux poèmes : « Avant d’entrer dans ma cellule / Il a fallu me mettre nu / Et quelle voix sinistre ulule / Guillaume qu’es-tu devenu. » (…) » Humilié, il voit sa maîtresse, Marie Laurencin, le quitter. Puis, « le poète, de nationalité polonaise, craint désormais d’être expulsé. Aussi, en décembre 1911, (…) il écrit à un ami avocat pour lui demander comment obtenir sa naturalisation : « Que deviendrais-je […] ? » (…) ». On connaît la suite : engagement dans la Légion étrangère, blessure à la tête en 1916, mort de la grippe espagnole deux ans plus tard.

Wilfred Owen (Angleterre) – Le numéro 5 (avril-juin 2011) du magazine Tranchées signale qu’à Ors (Nord, France), l’année 2011 est dédiée à Wilfred Edward Salter Owen, l’un des grands poètes combattants de la Première Guerre mondiale, né en 1893. Influencé par John Keats et Siegfried Sassoon, le lieutenant Wilfred Owen (une photographie le montre en uniforme) séjourna dans la maison forestière du Bois-Lévêque, où il composa ses derniers poèmes, fin octobre 1918. Le 4 novembre, Owen fut tué durant l’assaut de positions ennemies près du village de Joncourt. Il repose au cimetière d’Ors. Les manifestations d’hommage incluent l’inauguration de la maison forestière le 1er octobre prochain. Voir Fil du 29/03/2011 et www.wilfredowen.fr

Marie Drucker (France) – L’animatrice et journaliste, nièce de Michel Drucker, aime la poésie et l’a confié au magazine Lire de mai 2011. Outre Aimé Césaire (« sa langue est un tambour »), elle apprécie particulièrement les romantiques anglais : « (…) Wordsworth, dont Le Prélude est mon livre de chevet depuis plus de quinze ans, ou Keats, qui disait : « La seule façon de renforcer notre intelligence est de n’avoir d’idées arrêtées sur rien, de laisser l’esprit accueillir toutes les pensées. » C’est le poète de la terre, il convoque les éléments en permanence, des sensations liées à l’atmosphère. (…) »

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