Oct 19, 2011
Fil-Actualité poétique (19/10/2011)
La Revue Littéraire du Monde Noir / Souleymane Diamanka (Sénégal) / Paul Claudel et Rimbaud / François Emmanuel sur Roberto Juarroz / La poésie depuis une tranchée / Gaston Gérardot de Sermoise (France) / Poésie en Afghanistan / Poésie en Belgique / Le poète de la Catalogne Nord / Arménie et poésie / Liao Yiwu (Chine) / Voir la vie en vers (Québec) / Dixit (Tahar Ben Jelloun) / Poetry Africa (Afrique du Sud).
Nous traiterons du prix Nobel de littérature 2011, attribué au poète suédois Tomas Tranströmer, dans un prochain Fil.
« Refléter la contribution du monde noir à l’universel… » – Saluons la parution, à Paris, du premier numéro, daté de ce mois d’octobre, de La Revue Littéraire du Monde Noir, qui a notamment l’ « ambition de faire connaître les écrivains de la nouvelle génération ». Sans oublier tout de même les « anciens » puisqu’un hommage appuyé est ici rendu à Léopold Sédar Senghor.
« Venu à la poésie en écoutant son père conter l’histoire de ses aïeux sénégalais » – L’hebdomadaire Jeune Afrique du 28 août-3 septembre 2011 a livré un portrait de Souleymane Diamanka, 37 ans, « le Peul bordelais aux cordes vocales barbelées ». Devenu un slameur romantique populaire, il se produit régulièrement à l’Union Bar de Ménilmontant, où sont venus l’écouter Grand Corps Malade, John Banzaï, DJ Wamba, « des versificateurs confirmés qui disent se reconnaître dans son univers. » Après un premier album en 2007 (L’Hiver peul), Diamanka a sorti un recueil de poèmes composés avec Banzaï : J’écris en français dans une langue étrangère (éditions Complicités, Paris). « Depuis tout petit, je rêvais d’être poète », déclare ce fils d’un berger sénégalais. « C’était aussi très poétique, poursuit-il, d’entendre mon père déclamer en pulaar des poèmes mettant en scène l’histoire des grands héros de la communauté peule. (…) « Cette vocation se confirme à l’école où l’instituteur, M. Boudu, pousse ses élèves à écrire de la poésie. »
Paul Claudel et Rimbaud – Biographie de quatre pages sur le poète et diplomate français (1868-1955), entré à l’Académie française en 1947, dans la livraison de septembre 2011 du magazine Lire. Jean Montenot souligne que « deux événements majeurs devaient décider de sa vie. La lecture des Illuminations, puis d’Une saison en enfer, d’un Rimbaud encore quasi inconnu ouvrait « une fissure dans [son] bagne matérialiste ». Elle préparait l’événement qui « domine [sa] vie » : la conversion à Notre-Dame le 25 décembre 1886. Dans ses Mémoires improvisés, il rapporte ainsi sa rencontre avec Rimbaud : « Je ne peux l’appeler autrement […] qu’une véritable illumination. Ma vie a complètement changé par ces quelques fragments. » Le second est décrit dans Ma conversion (1900) : « J’étais debout, près du deuxième pilier, à droite, du côté de la sacristie. Les enfants de la maîtrise étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. En un instant mon cœur fut touché et je crus. » Le lien entre les deux événements s’inscrit dans son interprétation de la vie de « l’homme aux semelles de vent » : « Arthur Rimbaud fut un mystique à l’état sauvage, une source perdue qui ressort d’un sol saturé. Sa vie, un malentendu, la tentative en vain par la fuite d’échapper à cette voix qui le sollicite et le relance, et qu’il ne veut pas reconnaître : jusqu’à ce qu’enfin, réduit, la jambe tranchée, sur ce lit d’hôpital à Marseille, il sache ! » (…). »
« Donner tout comme perdu. Là commence l’ouvert. » (Roberto Juarroz) – Le psychothérapeute et poète belge François Emmanuel, né en 1952, s’est exprimé dans le Psychologies Magazine de septembre 2011. « J’ai choisi cet extrait de Treizième Poésie Verticale de Roberto Juarroz [1925-1995], merveilleux poète argentin, parce qu’il évoque le lâcher-prise nécessaire à toute entreprise créatrice. Si souvent sommes-nous encombrés par une peur de perdre le contrôle et tout un appareil de balises, qui étouffent la vie de l’œuvre en devenir, évacuent sa dimension de surprise, ce que Juarroz appelle l’ouvert. Mais cette invitation au don absolu devrait aussi pouvoir s’appliquer à tous les domaines de la vie. Je pense au don dans le rapport d’amour : un donné sans calcul, un donné comme perdu. Je pense aussi à toute forme d’engagement : plus celui-ci est généreux, courageux, plus il nous ouvre à un chemin d’être. (…) »
La poésie depuis une tranchée – L’Espagne n’a pas été directement concernée par la Première Guerre mondiale. Mais les éditions Linteo (Galice) viennent de sortir une anthologie bilingue réunissant des textes de poètes anglo-saxons tous morts au combat : Tengo una cita con la muerte (« J’ai un rendez-vous avec la mort »), reprenant le titre d’un poème d’Alan Seeger (1888-1916), texte qu’appréciait le président John Kennedy…Il s’agit en fait d’un choix opéré à partir d’une anthologie publiée au Royaume-Uni en 1964, Up the line to death : the War Poets 1914-1918. Sur plus d’une centaine d’auteurs, vingt-et-un ont été retenus, une majorité d’Anglais, des Irlandais, un Canadien et un Américain. « C’est la poésie de l’horreur, de la déception, du désespoir et de la folie, (…). C’est la poésie de la guerre. C’est la poésie des morts. » On y trouve Wilfred Owen (voir Fil du 6/07/2011), Leslie Coulson, dont le recueil From an outpost, and other poems fut vendu à 10.000 exemplaires en 1917, William Noel Hodgson, etc. (El País, 10 août 2011). Voir Fil du 29/03/2011.
Gaston Gérardot de Sermoise (France) – Ecrivant pour le n°54 (août-octobre 2011) de 14-18, « le magazine de la Grande Guerre », c’est à la fin de son article sur « Les étonnantes missions de Gaston Gérardot de Sermoise » que le capitaine Michaël Bourlet, des écoles militaires de Saint-Cyr, parle de poésie. En effet, Gérardot (1894-1932) « doit sa notoriété davantage à ses activités littéraires de l’entre-deux-guerres qu’aux missions secrètes qu’il a accomplies pendant la guerre. » Membre de l’Association des Ecrivains Combattants et de la Société des poètes français, « disciple préféré du poète Fernand Mazade (1861-1939) », l’ancien officier est l’auteur de « poèmes tels que Le Lys noir, couronné par l’Académie française en 1927, La Chevauchée ou La Voile errante. » Organisateur de soirées poétiques, il participa également à l’Anthologie de la poésie française.
Poésie en Afghanistan – Agréable surprise en lisant le début d’un article faisant partie d’un dossier sur l’Afghanistan-Pakistan, dans le n°2 de la revue Asies (septembre-novembre 2011) : « A Saroubi, petite ville à 70 kilomètres à l’est de Kaboul, la shura, l’assemblée des notables, se réunit chaque vendredi après la prière à la mosquée, dans une salle publique mise à disposition par la municipalité. La cinquantaine de poètes conviés à la consultation des « barbes blanches » vient des vallées adjacentes : Jegdalegh, Tizin, Uzbeen… Jeunes et moins jeunes, tous se succèdent au pupitre pour déclamer dans un micro branché à une sono bon marché des vers souvent patriotiques ou incantatoires qu’ils ont composés :
« Le son de nos sabres qui fendent l’air,Résonne dans le monde entier.Eternels rivaux,Nous semons les graines de nos divisions,Jamais souverains.Nous ne deviendrons,Et pourtant, nos bras grands ouverts,Pour, en notre sein, accueillir le vaste monde.Faites que nous vivions en paix,Comme sur un parterre de fleurs !Pachtounes, Tadjiks, Baloutches,Ouzbeks, Hindous et Sikhs.Unissons-nous,Sous un seul nom : Afghans !« Frères tristes », unissons-nous !Nous partageons le même destin. » Hélas, le reste de l’article est moins poétique…
Poésie en Belgique – La Maison Internationale de la Poésie, à Bruxelles, propose le 20 octobre prochain une rencontre-débat au thème intéressant : les belgicismes dans la poésie. Cette soirée sur les mots ou tournures françaises propres aux Belges sera animée par Jacques Mercier, homme de lettres bien connu au « Plat Pays ».Voir www.mipah.be
Le poète de la Catalogne Nord – Le dramaturge et poète Jordi Pere Cerdà, de son vrai nom Antoine Cayrol, est mort le 11 septembre dernier à Perpignan, à 90 ans. Sa poésie traitait surtout des problèmes sociaux et linguistiques de sa terre natale, la Cerdagne (Pyrénées-Orientales). Initiateur d’actes culturels destinés à promouvoir la langue catalane, il avait ouvert en 1960, à Perpignan, une librairie pour faire connaître les écrivains de la Catalogne au public français. Souvent primé en Espagne (Prix National de Littérature du Gouvernement de Catalogne, en 1999), la seule distinction reçue en France fut le Prix Méditerranée Roussillon 2007, attribué par le Centre méditerranéen de littérature. Une référence bibliographique : Poesía Completa, editorial Columna, Barcelone,1988.
Arménie et poésie – Le Centre National du Livre de Paris a programmé une série de manifestations culturelles (lectures, conférences, expositions, concerts…) à l’occasion du vingtième anniversaire de l’indépendance de l’Arménie. La poésie n’est pas oubliée avec ce 17 octobre 2011, à Marseille, un débat « La voix, le corps, la terre : variations autour de la poésie contemporaine », en présence de quatre poètes de la nouvelle génération. A Lyon, le 19 octobre, deux jeunes poètes, Karen Antashyan et Chouchanik Thamrazian, donneront « à lire leur arménité dans sa dimension littéraire universelle ». A signaler aussi, le 21 octobre à Paris, une soirée poétique autour de Vahé Godel, « poète reconnu de langue française et grand traducteur de la poésie arménienne ancienne comme contemporaine ». Voir www.centrenationaldulivre.fr
Liao Yiwu (Chine) – Interdit de publication dans son pays, le poète chinois Liao Yiwu, né en 1958, vit en exil à Berlin depuis cet été. « La chose la plus importante pour moi est la liberté de publier, la liberté d’écrire » avait-il déclaré à CBS News. Considéré comme « l’un des auteurs chinois contemporains les plus audacieux » (ActuaLitté), il avait été arrêté en 1990 et condamné à quatre ans de prison après la diffusion d’un long poème, Le Grand Massacre (disponible en français chez L’Harmattan, 2008), un texte à la mémoire des victimes du massacre de la place Tian An Men, à Pékin, en 1989. L’hebdomadaire Courrier International vient de lui réserver 5 pages dans son édition du 13-19 octobre 2011, sous le titre « Le chroniqueur de la Chine d’en bas », traduction française d’un entretien avec le poète paru dans un mensuel berlinois. Notons enfin que le dissident recevra dans quelques semaines, à Munich, le Prix Frère et Sœur Scholl 2011 (« Geschwister-Scholl-Preis »), récompensant une œuvre qui « témoigne d’indépendance d’esprit, encourage la liberté civile, le courage moral, intellectuel et esthétique et donne des impulsions importantes au sentiment de responsabilité dans le présent ».
Voir la vie en vers (Québec) – Une page du n°58 (septembre-novembre 2011) de la revue Plume offre un « zoom » sur une collection littéraire à Montréal… « Gaëtan Dostie est pour ainsi dire né en poésie. Il a 6 ans lorsque le poète Alfred Desrochers lui offre un exemplaire de son recueil A l’Ombre de l’Orford. (…) Nous sommes en 1952 (…), il devient poète (…), promenant sa curiosité entre le sillage des poètes vivants et le souvenir des grands disparus, auxquels il consacre une anthologie. » La médiathèque qui porte son nom, et dont il assure la visite, contient nombre de richesses (manuscrits, éditions originales, poèmes-affiches, photos, etc.). Les poètes sont bien représentés avec « Albert Ferland, Jean Charbonneau, membre-fondateur de l’Ecole littéraire de Montréal, et bien sûr Emile Nelligan, figure de proue de cette même Ecole, que Dostie présente comme « le Rimbaud québécois ». (…) » Rappelons la somme de ce passionné de littérature québécoise : Les poètes disparus du Québec, éditions du collège Ahunstic, 2007.
Dixit – L’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, né en 1944 à Fès, auteur de l’essai L’Etincelle. Révoltes dans les pays arabes et du récit Par le feu, les deux édités chez Gallimard : « Mahmoud Darwich était avant tout poète, un grand poète. Il ne faisait pas de la poésie de circonstance ; il se situait au-delà, et sa poésie reste et restera présente dans les mémoires. » (Le Magazine Littéraire, juillet-août 2011)
Poetry Africa (Afrique du Sud) – Du 17 au 22 octobre 2011, 15ème édition, à Durban, de ce festival international qui se déroulera pour l’essentiel à l’université du KwaZulu-Natal. Préparée par le « Centre for Creative Arts », la manifestation réunit surtout des poètes sud-africains et d’autres venus de pays du continent.Voir www.cca.ukzn.ac.za