poésie à l'écoute

Fil – Actualité poétique (15/08/2011)

La poésie en Ecosse / San Francisco / Poésie et censure / Sapho / Oscar Wilde / André Gascht (Belgique) / Robert Marteau (France) / Gérard Titus-Carmel (France) / Aragon / Anise Koltz (Luxembourg) / Leonard Cohen (Canada) / Vladimir Maïakovski (Russie) / Les poètes et la Méditerranée / Byron, Shelley et l’insurrection sociale / La Vie financière des poètes / La poésie à Bagdad.

La poésie en Ecosse – Le n°3 de Geo Voyage (juillet-août 2011), consacré en grande partie à l’Ecosse, fait appel à la poésie. Ainsi, nous retrouvons Kenneth White (voir Fil du 28/06/2011), né à Glasgow, qui évoque les paysages des Highlands écossais en intitulant son papier Une apocalypse de la nature : « (…) Une variété incroyable de formes venues de forces diverses. « Alba conahingantaib » (Alba et ses merveilles), dit un vieux poème gaélique. (…) » White en profite pour attirer l’attention sur « les travaux de George Buchanan, poète et historien, qui, au XVIème siècle, fut maître de langue et de littérature à Paris et à Bordeaux, où il enthousiasma Montaigne. (…) »Dans un article sur Edimbourg, la première des « capitales mondiales de la littérature » de l’UNESCO, en 2004, où « même les bars et les boutiques de kilts célèbrent la poésie », reproduction d’un monument à Robert Burns (1759-1796), le plus connu des poètes écossais. Ajoutons une photo de la façade de la Scottish Poetry Library, bibliothèque entièrement dédiée aux poètes. Enfin, visite au Milnes Bar : « (…) c’est dans l’arrière-salle, surnommée « Little Kremlin », qu’est née la réputation littéraire de l’établissement. Là, jusque dans les années 1960, un cénacle d’écrivains nationalistes et socialistes tentaient (…) de révolutionner la littérature écossaise. Ils rêvaient que le « scots », un dialecte régional, devienne la langue des poètes. (…). On peut y voir les photos « des célébrités de la poésie du XXème siècle, comme Sydney Goodsir Smith [1915-1975], Robert Garioch [1909-1981], Sorley MacLean [1911-1996]. (…) »

San Francisco, ville de papier (USA) – Dans son édition du 30 juin-6 juillet 2011, Courrier International a fait un tour des quartiers littéraires de la métropole californienne, à partir d’extraits d’un article paru dans The New York Times : « (…) Si vous ne disposez pas de temps suffisant pour explorer la ville dans ses moindres recoins, allez directement chez City Lights, en plein North Beach, le quartier associé aux écrivains de la Beat Generation des années 1950. City Lights est la grande dame des librairies indépendantes de la ville. Fondée en 1953 par le poète et artiste Lawrence Ferlinghetti, elle a été la première librairie des Etats-Unis à ne vendre que des éditions de poche et s’est fait connaître en publiant le recueil Howl et autres poèmes d’Allen Ginsberg, en 1956. La publicité sans précédent du procès pour obscénité fait au livre transforma Howl en un bestseller et le hissa au rang de classique de la littérature américaine. (…) »

« Toute atteinte à une œuvre est insupportable » – Thomas Schlesser est l’auteur de L’Art face à la censure. Cinq siècles d’interdits et de résistance, qui vient de paraître chez Beaux Arts éditions (Paris). Il s’est exprimé dans le numéro de juin 2011 de la revue Beaux Arts, citant le cas « du Bernin [1598-1680], qui livre une sculpture très sensuelle d’Apollon et Daphné. On ne lui demande pas de la retoucher, mais on lui fait graver des vers d’Horace qui mettent en garde contre l’engouement érotique. Ces vers travestissent l’esprit de la sculpture et constituent un véritable piratage sémantique. (…) »

Sapho – Chaque mois, la revue Historia trace le portrait d’un(e) illustre inconnu(e) « dont la postérité a retenu le nom »… Dans la livraison de juin 2011, Claude Quétel, ancien directeur de recherches au CNRS (France), s’est penché sur la poétesse Sapho, née vers 630 avant J.-C. dans l’île de Lesbos. Celle que Platon qualifia de « Dixième Muse » offrit une « image de femme libérée, éponyme du lesbianisme (le mot lui-même est tardif) que lui ont donné, non sans dérision, les poètes « comiques » du Vème et du IVème siècle avant J.-C. et à leur suite les poètes latins : Catulle, Horace, Ovide. (…) Elle composa des « poèmes dont les érudits du monde moderne ont reconnu la révolution dans la versification (on parle de « strophe saphique ») et jusqu’à l’influence sur l’évolution de la langue grecque. Peu de vers nous sont parvenus et un seul poème entier : Ode à Aphrodite qui fait de Sapho la créatrice du lyrisme érotique – au sens de l’amour, de la beauté et de la grâce. (…) »

« La poésie, c’est la grammaire idéalisée. L’art, c’est le désordre. » (Oscar Wilde) – Pour sa série « Les grands entretiens de l’été », Le Nouvel Observateur du 28 juillet 2011 s’est intéressé à Oscar Wilde (1854-1900), « le plus brillant esprit de son temps ». Le journaliste François Forestier nous rappelle qu’il était le fils d’un chirurgien et d’une poétesse « aux vers médiocres », et que son premier recueil de poèmes fut édité en 1881. Suit un entretien qui fut publié en janvier 1895 dans la St. James Gazette et dont nous retenons l’extrait suivant : « (…) Le critique français est en général un homme de culture et de lettres. En France, des poètes comme Théophile Gautier ont été critiques. En Angleterre, ils sont issus d’une classe moins distinguée. Ils n’ont ni les mêmes capacités ni les mêmes possibilités. Ils ont des qualités morales, mais pas de qualifications artistiques. (…) »

André Gascht (Belgique) – Décès le 4 juin 2011 du poète André Gascht, né en 1921. Directeur (1961-1969) de la revue d’art « Le Thyrse », il fut critique littéraire au quotidien belge Le Soir et membre du Comité de rédaction du Journal des Poètes, réalisé par la Maison Internationale de la Poésie (Bruxelles). Auteur notamment de Cette âpre douceur (1949), Le poids du monde (1951), Le royaume de Danemark (1966), il établit l’édition définitive des œuvres poétiques d’Auguste Marin. Le front aux vitres (1977). On lui doit aussi des essais : La Poésie et le sens de l’humain (1953), Charme de René Char (1957), André Pieyre de Mandiargues ou le goût de l’insolite (1960), etc.

Robert Marteau (France) – Nous avons appris tardivement la disparition, le 16 mai dernier, à 86 ans, du poète et traducteur français Robert Marteau. Entré au Seuil en 1962 avec Royaumes, il était souvent édité chez Champ Vallon (Seyssel, Ain) depuis la fin des années 1980. Parmi ses nombreux recueils, citons Voyage au verso (1989), Fragments de la France (1990), Liturgie (1992), Louange (1996) ou encore Registre (1998). Il s’était vu décerner le Prix Mallarmé l’année dernière pour Le Temps ordinaire (2009). L’ensemble de son œuvre avait été couronné par le Grand Prix de poésie de l’Académie française en 2005.

Gérard Titus-Carmel (France) – Né en 1942, le poète et essayiste parisien Gérard Titus-Carmel est aussi peintre, exposant quelques-unes de ses œuvres les plus récentes à la Maison Elsa Triolet-Aragon de Saint-Arnoult-en-Yvelines, jusqu’au 11 septembre 2011. On se souviendra qu’il a illustré nombre d’ouvrages de poètes et d’écrivains. « Une exposition en résonance avec le lieu qui emmènera le visiteur dans un voyage poétique en mêlant la nature et le livre. » Commentaire d’Yves Bonnefoy : « Qui d’autre que Gérard Titus-Carmel aurait été capable de concevoir ces images si remarquables, et tout de suite d’ailleurs si remarquées ? (…) » Voir www.maison-triolet-aragon.com

Aragon – Jean Montenot a rédigé en quatre pages une belle biographie de l’un des créateurs du mouvement surréaliste, Louis Aragon (1897-1982), pour le magazine Lire de juin 2011. Quelques extraits : « (…) Brassens, Ferré et Ferrat devaient lui assurer une gloire populaire mieux délestée de ses condiments politiques. Voici donc Aragon : poète, romancier, essayiste, journaliste, éditeur, découvreur de talents, idéologue, toujours dans le flux et le reflux, flanqué de plusieurs constellations de compagnons de route, les « aragonautes ». Rebattant sans cesse les cartes et n’abattant jamais son jeu, il s’est essayé à tous les styles, les a plagiés tous, les réinventa tous… (…) quand bien même sa poésie parut régresser d’Apollinaire à Edmond Rostand, le clairon de La Diane française devait faire résonner dans tous les cœurs meurtris les vertus patriotiques des fleurs : « Les lilas et les roses », « La rose et le réséda ». (…) Le Roman inachevé (1956), recueil de poèmes autobiographiques, développe le thème du poète souffrant dans un monde violent. Ce fut aussi celui du Fou d’Elsa (1963), long poème narratif alternant prose et vers dont l’action dramatique se situe dans la Grenade musulmane du XVème siècle au moment de la Reconquista. (…) après Hugo, Aragon fut bien dans notre littérature un autre « homme-océan ». (…) »

Anise Koltz (Luxembourg) – Il n’est pas trop tard pour signaler la parution du dernier recueil en français de la poétesse luxembourgeoise Anise Koltz, 83 ans, vice-présidente de l’Académie Européenne de Poésie : Je renaîtrai, aux éditions Arfuyen (Paris), dans la collection Cahiers d’Arfuyen n°193. « Comme dans nombre d’autres livres d’Anise Koltz, mais d’une manière plus obsédante encore, les souvenirs personnels se mêlent à une sorte de liturgie, mystérieuse et inquiétante, où le destin des hommes se révèle comme dans un miroir, avec toute sa cruauté et son étrangeté. »

« Leonard Cohen sacré prince des poètes » (Canada) – Chanteur-compositeur anglophone à succès, Leonard Norman Cohen, bientôt âgé de 77 ans, a remporté le prix « Prince des Asturies » des Lettres 2011, la plus prestigieuse récompense littéraire espagnole. Il publia en 1956 son premier recueil (Let Us Compare Mythologies, inspiré de Federico García Lorca, pour lequel il a une grande admiration), alors qu’il était encore étudiant à l’université McGill de Montréal, sa ville natale… Le jury a élu « le poète et romancier Leonard Cohen pour l’ensemble de son travail littéraire, qui a influencé trois générations à travers le monde entier, grâce à la création d’images et d’émotions où poésie et musique se fondent, en une oeuvre d’une valeur immuable. Le passage du temps, les relations sentimentales, les traditions mystiques orientales et occidentales, et la vie chantée comme une ballade sans fin nourrissent l’ensemble d’un travail qui reste associé à certains changements décisifs de la fin du XXème et du début du XXIème siècles.» Terminons avec un extrait du Book of Longing (2006) de ce « poète zen ». Un  livre, le premier de poésie à avoir été n°1 des ventes au Canada, qui réunit plus de deux cents textes, en vers et en prose, traduit et publié en 2008 aux éditions Le Cherche-Midi sous le titre Le Livre du désir : « Mon temps tire à sa fin / Et je n’ai toujours pas chanté / La vraie chanson, la grande chanson (…) / Un coup d’oeil dans la glace / Un clin d’oeil dans mon coeur / Me donne envie de la fermer à jamais. »

Vladimir Maïakovski (Russie) – La chronique de Patrick Besson dans l’hebdomadaire Le Point du 23 juin 2011 fait la critique d’« un recueil des poèmes les plus politiques » de Vladimir Maïakovski (1893-1930) : L’amour, la poésie, la révolution (Le Temps des Cerises, Paris). Dans les textes traduits par Henri Deluy, on trouve De ça, grand poème épique daté de 1923, considéré comme le chef-d’œuvre du « plus grand poète de la révolution d’Octobre » [1917], tombé progressivement en disgrâce. D’après Besson, « Maïakovski a été le premier poète russe cubiste. Il a mis Mallarmé sur la barricade d’Hugo. Il est mort d’une balle dans le cœur qu’il a tirée lui-même avec la grâce un peu fragile de qui n’est plus assez aimé après l’avoir été trop. (…) »

Les poètes et la Méditerranée – La quatorzième édition du festival de poésie « Voix vives, de Méditerranée en Méditerranée », qui s’est tenu pour la deuxième année consécutive à Sète (Hérault), du 22 au 30 juillet 2011, présentait une particularité, en relation avec les événements du « Printemps arabe » : un espace de discussion, une rencontre quotidienne (« Rives Sud »), autour de la question : « que signifie être poète aujourd’hui dans une Méditerranée en mouvement ? »

Byron, Shelley et l’insurrection sociale – C’est le titre d’un article signé par la critique de musique et de littérature Evelyne Pieiller, dans Le Monde diplomatique de juillet 2011. Nous reviendrons sur les ouvrages auxquels elle fait référence. Dans l’immédiat, pointons ce qui suit: « (…) Le romantisme, dans son surgissement, fut un mouvement subversif qui entendit rompre avec l’ordre ancien, poursuivre l’ébranlement de la représentation du monde entamé par la Révolution française. (…) Lord Byron [1788-1824] avait un pied bot, une mère éprouvante, et très mauvaise réputation. Il est devenu une célébrité très jeune en fixant la figure du « rebelle » dans des vers qui rencontrèrent un succès considérable. (…) Son ami Shelley [1792-1822], semblablement, ne sépara pas sa réflexion poétique d’une pensée politique et sociale. (…) Et les convictions sont liées, chez lui aussi, bien sûr, à une conception de la poésie, qu’il définit comme antagoniste au « principe du moi, dont l’argent est l’incarnation visible ». Rien d’illuminé là-dedans, mais la certitude que « nous sommes tous poètes autant que nous sommes hommes », à charge pour ceux qui le sont un peu plus de contribuer à renforcer l’humain au détriment du narcissisme. Ce romantisme-là est en fraternité logique avec l’insurrection, intime et collective. »

La Vie financière des poètes – Imaginez les cotations de la Bourse en vers…   Jess Walter, ex-journaliste, a livré « un petit bijou d’esprit et de dérision », traduit de l’anglais aux éditions 10/18 (Paris). Dans l’Amérique en crise, l’histoire de Matt, « poète amateur du 21ème siècle » et journaliste spécialisé en finance, qui a quitté son poste pour monter un site web original : poesiness.com. Une tentative de marier le business et la poésie qui tourne mal… « C’était pousser la limite du ridicule, en restant dans la limite du réaliste. Poétiser la finance… »

La poésie à Bagdad – L’édition française de juillet 2011 de la revue américaine National Geographic contient un article, Bagdad après la tempête, de Brian Turner, né en 1967 en Californie. Sergent de l’US Army en Irak en 2003 et 2004, il est également… poète. Son recueil Here, Bullet (2005), témoignage de son expérience militaire là-bas, a reçu plusieurs prix littéraires. Il est retourné dans la capitale irakienne fin décembre 2010 et a confié ses impressions : « (…) Un petit oiseau est perché dans une cage, devant le café Shahbandar, rue al-Mutanabbi. Là, poètes et philosophes dédaignent l’échiquier pour la stimulation de la conversation, des débats et des questionnements intellectuels. (…) Plus tard, je me promène rue al-Mutanabbi, où des livres de poésie et des manuels scolaires à vendre sont empilés sur des tables. (…) J’essaie d’avoir l’air décontracté, comme si seuls les livres m’intéressaient ; en réalité, je suis revenu d’instinct à l’époque où j’effectuais des patrouilles à pied. Or qui est en train de me suivre ? Un poète, qui souhaite seulement poursuivre la conversation que nous avons entamée au café. « Bien sûr que je suis poète, me dit-il. Que peut-on faire d’autre qu’écrire de la poésie dans un pays comme celui-ci ? » (…) ».

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