poésie à l'écoute

Fil – Actualité poétique (09/04/2011)

Le big bang de la poésie moderne / Profession poète (France) / Picasso-Eluard / Barnett Newman (USA) / Baudelaire journaliste / Akhmatova (Russie) / Pessoa / Rumer (Angleterre) / Un peu de poésie / Le dernier poète yiddish / Marina Tsvetaïeva (Russie) / Joan Miró, peintre poète / Poésie action (France) / Poésie au Japon / La poésie est dans le sac (France).

« Le big bang de la poésie moderne » – Premier quotidien espagnol, El País a consacré, le 9 mars 2011, une page entière à la critique de Matemática tiniebla, un essai sur la « généalogie de la poésie moderne » paru chez Galaxia Gutenberg / Círculo de Lectores (Barcelone). On notera que le même journal est revenu longuement sur ce titre dans son édition du 2 avril, le présentant comme le « Livre de la semaine »… Le poète et philosophe Antoni Marí, né à Ibiza en 1944, a réuni, pour la première fois en un seul ouvrage, des textes essentiels pour comprendre l’évolution de la poésie européenne du 20ème siècle : quatre essais d’Edgar Allan Poe sur sa conception de la poésie, suivis de 25 textes de Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Paul Valéry et Thomas Stearns Eliot. Le titre du livre est extrait du Canto General de Pablo Neruda. Rappelons ici la parution en 2006 d’un pavé en français (1864 pages !) aux éditions Le Livre de Poche (collection « La Pochothèque ») : Histoires, essais et poèmes d’Edgar Allan Poe.

 

Profession poète (France) – Portraits de poètes français dans Le Monde Magazine daté du 12 mars 2011. Valérie Rouzeau, 44 ans, « la seule révélation poétique de ces dix dernières années » (dixit André Velter, directeur de la collection « Poésie » chez Gallimard), qui a écrit le texte d’une chanson (Ladyboy) du groupe Indochine ; David Dumortier, du même âge, ancien infirmier psychiatrique, pour qui « les gens qui achètent de la poésie ne sont pas forcément des agrégés » ; Dominique Cagnard, 60 ans, qui fut élève du mime Marceau (« le poète est quelqu’un qui va donner de l’inutilité à la vie. Les gens savent cela ») ; Albane Gellé, 40 ans, créatrice avec son mari libraire de l’association « Littérature & Poétiques », à Saumur (www.litterature-et-poetiques.fr). Un point commun aux quatre, « pour faire chauffer la marmite » : l’animation d’ateliers d’écriture et de lecture dans les bibliothèques, les écoles, les prisons, etc. Car selon André Velter, prix Goncourt de la poésie en 1996, « à part Prévert et Aragon, je ne vois pas de poètes qui aient pu vivre uniquement de leurs droits d’auteur, et encore : Prévert écrivait aussi des scénarios de film. Grand nombre de poètes travaillaient et continuent de travailler à côté, notamment dans l’enseignement. Quant à Char et Reverdy, leurs revenus venaient essentiellement des ventes des livres illustrés qu’ils faisaient avec des grands peintres du XXème siècle pour des éditions de luxe. »

 

La nouvelle affaire Picasso – Enquête de l’hebdomadaire Le Point du 17 mars 2011 sur cette « étrange histoire d’un électricien qui dit avoir reçu 271 œuvres » du fameux artiste espagnol. On peut y lire : « (…) Paul Eluard est régulièrement comblé de tableaux, il les vend quand les temps se tendent, puis en redemande. (…) »

 

Barnett Newman (USA) – Aux éditions Macula (Paris), première parution en français des Ecrits de Barnett Newman (1905-1970), peintre de l’Ecole de New York et l’un des représentants majeurs de l’expressionnisme abstrait. Ses textes parlent de politique ou d’esthétique. Commentaire dans le mensuel Beaux Arts n°321 (mars 2011) : « La lecture de Baudelaire avait conforté sa conviction qu’il n’était pas de plus grand danger pour l’artiste que le stupide formalisme. Aussi son grand sujet est-il précisément le sujet : ce que l’art dit de l’horreur ou simplement de l’humaine condition, sans avoir besoin de recourir aux mots. »

Baudelaire journaliste – Les éditions Flammarion ont la bonne idée de rééditer en poche les articles de presse de quelques-uns des plus grands écrivains du 19ème siècle. Dans la collection « GF », nous trouvons ainsi un choix d’articles et de chroniques de Charles Baudelaire, textes rédigés de 1841 à 1866. Le poète « se révèle un amoureux du pastiche et un portraitiste hors pair ». Particularité de ce recueil, les versions d’origine de célèbres poèmes, celles de leur première publication dans la presse…

 

Akhmatova (Russie) – Création mondiale à l’Opéra Bastille de Paris le 28 mars dernier : le compositeur Bruno Mantovani et le librettiste Christophe Ghristi ont écrit un opéra en trois actes sur la grande poétesse russe Anna Akhmatova (1889-1966), dont le chef-d’œuvre Requiem était un hommage aux victimes de la terreur stalinienne. Sur le double thème de la confrontation du poète désarmé et du pouvoir, et de la mère face à son fils, la mezzo-soprano allemande Janina Baechle donne vie à celle qu’on surnommait « la Sappho russe », réhabilitée sur le tard. Dans l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur du 24-30 mars 2011, l’académicien Dominique Fernandez, auteur d’un Dictionnaire amoureux de la Russie (Plon), parle de « son art de ramener la poésie russe à la simplicité, la pureté, la transparence perdues depuis Pouchkine. » Voir www.akhmatova.operadeparis.fr

 

Pessoa – Questionné sur ses goûts littéraires pour le mensuel Sciences et Avenir d’avril 2011, Antonio Damasio, né à Lisbonne en 1944, professeur de neurosciences en Californie, connu pour ses découvertes sur le rôle des émotions dans les mécanismes de la pensée, a déclaré : « mon auteur fétiche est l’écrivain poète portugais Fernando Pessoa, qui a créé une œuvre multiple et complexe en s’inventant différentes identités, possédant chacune sa vie imaginaire et son style particulier. Il est fascinant. J’ai choisi cette citation du Livre de l’intranquillité pour introduire mon essai : « Mon âme est un orchestre caché ; je ne sais de quels intruments il joue et résonne en moi, cordes et harpes, timbales et tambours. Je ne me connais que comme symphonie. »

Rumer (Angleterre) – Succès international pour le premier album (Seasons of my soul) de la chanteuse anglo-pakistanaise Rumer, née en 1979 à Islamabad. Elle a confié au Mad, magazine des arts et du divertissement du quotidien Le Soir, daté du 23 mars 2011 : « Je ne suis pas allée à l’université, mais j’aimerais m’y rendre un jour et étudier la poésie, justement. J’en lis beaucoup, T.S. Eliot, par exemple. J’adore Shakespeare, il brasse des thèmes tellement universels qu’il reste incroyablement contemporain. »

 

« La poésie n’est pas un programme politique. Elle est le chant qui enchante nos vies. » – Intitulant sa chronique Un peu de poésie, Alain Rémond s’est épanché dans l’hebdomadaire Marianne du 12-18 mars 2011. En voici des extraits : « (…) Nous persistons à rêver d’autre chose. Ne serait-ce que par effraction, par intermittence. Comme on se réveille en sursaut. (…) Et cet autre chose, où aller le chercher, sinon chez les poètes, dans la poésie ? (…) Ça ne fait pas de bruit, la poésie. Ça ne fait pas l’ouverture des journaux télévisés. Ça ne provoque pas de querelles, de polémiques qui occupent les médias pendant trois jours, pendant dix jours. Ça ne fait pas les gros titres. La poésie nous parle à bas bruit. Elle nous parle à l’oreille, en secret, en confidence. Elle nous parle de nous, de nos vies, de nos rêves. (…) Après avoir cité Rimbaud, le chroniqueur termine par : « La poésie, c’est pour danser la vie. »

 

« Le dernier poète yiddish » – Version française de Chansons pour la fille du boucher, premier roman de Peter Manseau, né en 1974, disponible chez Christian Bourgeois Editeur. Cette autobiographie fictive d’un poète russo-moldave, Itsik Malpesh, s’étend de la Première Guerre mondiale à nos jours, partant d’Odessa pour arriver à New York. Autoproclamé « plus grand poète yiddish vivant d’Amérique », Malpesh fait traduire ses mémoires en anglais par un jeune catholique d’origine irlandaise… Ces fausses mémoires sont « à la fois une histoire yiddish du 20ème siècle, une histoire d’amour au réalisme magique et l’exploration fascinante de la relation entre langage et identité. » Soulignons que Manseau a reçu plusieurs prix pour cet ouvrage, dont le National Jewish Book Award en 2008, décerné pour la première fois à un auteur non-juif (il est le fils d’un prêtre catholique et d’une religieuse ayant tous deux renoncé à leurs vœux…).

 

« La Tsvetaïeva, ombrageuse poétesse russe » – Tournée en France d’une pièce de théâtre, Vivre dans le feu, sur la vie de Marina Tsvetaïeva (1892-1941). Autour de ses Carnets intimes et de quelques poèmes « qui franchirent difficilement de son vivant le cap de la reconnaissance » (Télérama, 16 mars 2011), l’actrice Natacha Régnier interprète la « guerrière romantique et imprévisible » qui connut 17 ans d’exil, puis se suicida à Moscou. Voir www.laricotta.fr/vivre-dans-le-feu

Joan Miró, peintre poète – Jusqu’au 19 juin 2011, l’Espace culturel ING et les Musées royaux des Beaux-Arts présentent à Bruxelles quelque 120 œuvres (peintures, gravures, sculptures) de l’artiste catalan, décédé en 1983, dont le processus créatif visait à « dépasser la chose plastique pour atteindre à la poésie ». Commissaire de l’exposition, Michel Draguet est cité dans le mensuel Artenews n°70 (mars 2011) : « Ancré dans l’imagerie littéraire, fort de l’expérience des années surréalistes, sensible à l’appel conjoint du primitif et de l’enfant, Miró va développer une œuvre faite de figures et de couleurs symboliques par lesquelles le monde se résume en poésie. » Voir www.ing.be/art

« Poésie action » (France) – Jusqu’au 22 mai 2011, la Villa Arson, à Nice, dédie une exposition à Bernard Heidsieck, né en 1928, auteur notamment de Respirations et brèves rencontres (60 poèmes produits à partir d’enregistrements de souffles d’artistes). Créateur en 1962 d’une poésie active et organisateur de rencontres internationales sur la poésie sonore, son but est d’ « offrir la possibilité à l’auditeur/spectateur de trouver un point de focalisation et de fixation visuelle. (…) et propose toujours un minimum d’action pour que le texte se présente comme une chose vivante et immédiate et prenne une texture quasiment physique. » L’exposition rassemble une vingtaine de pièces sonores et de films réalisés à partir de ses principaux poèmes. Voir www.villa-arson.org

Poésie sous le shogunat Tokugawa (Japon) – Le mensuel Historia n°771, de mars 2011, a livré un dossier intitulé Shogun. Les seigneurs du Japon. Un article de François Macé, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientale (Paris), décrit Le siècle d’or de la dynastie Tokugawa (1603-1868). Il précise que « la littérature s’exprime avant tout dans la poésie. Les anciennes formes continuent à séduire un public averti. On compose encore des waka (de 31 syllabes) selon les modèles de l’Antiquité, mais aussi des poèmes en chinois, la langue de l’élite cultivée. La nouveauté viendra d’une transformation du waka : on n’en garde que la première partie, 17 syllabes. Ainsi va naître le haïkai, connu en France sous sa forme moderne de haïku. Le premier grand maître, Bashô (1644-1694), a laissé des journaux de voyage où les poèmes condensent ses différentes impressions comme dans La sente étroite du bout du monde. La plupart des lettrés se sont essayés avec plus ou moins de bonheur à la poésie. Ogyû Sorai (1666-1728), un des plus grands penseurs politiques de la période, s’est illustré dans la poésie chinoise. (…) » Pour les fans de haïku, « sorte de balafre légère tracée dans le temps » (Roland Barthes), remarquons la sortie d’une  anthologie sonore en 2 CD, Haïkus par Bashô, Buson, Issa, Ryôkan, Shiki, sous le label Frémeaux & Associés (Vincennes). Une centenaine de textes de grands poètes japonais traduits, et lus par la chanteuse et comédienne Dani : « il y a une vraie musicalité dans les haïkus. Je suis très sensible à ça, comme pour les accents. Et le haïku est très musical. »

 

La poésie est dans le sac (France) – Le sociologue et directeur de recherches au CNRS Jean-Claude Kaufmann a étudié le contenu de la « petite maison portative » des femmes et en a tiré un livre, Le sac, un petit monde d’amour (éditions Jean-Claude Lattès). Etonnante révélation dans l’hebdomadaire Le Vif Weekend du 18 mars 2011 : « (…) Les témoignages sont éloquents. Ce sont les femmes qui se rendaient compte elles-mêmes qu’elles parlaient de leur sac comme d’un homme. Sans volonté délibérée. J’ai reçu énormément de poèmes d’amour ! Le coup de foudre pour un sac peut faire tout oublier. Même l’ancien sac dont on pensait ne pas pouvoir se séparer… C’est la passion contre la raison. (…) »

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