poésie à l'écoute

Fil – Actualité poétique 2/2 (23/05/2011)

Poésie et esclavage / Poésie allemande / Abdelwahab Meddeb (Tunisie) / Poetry (Corée du Sud) / Manoel de Oliveira (Portugal) / Chagall et la poésie / Colette Nys-Mazure (Belgique) / Céline et la poésie / Aimé Césaire / Festival international de poésie (Cuba) / Abdellatif Laâbi (Maroc).

Poésie et esclavage – A l’occasion du 10ème anniversaire de la « loi Taubira » du 21 mai 2001, qui fait de la traite négrière et de l’esclavage un crime contre l’humanité, le musée du quai Branly, à Paris, et le Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage (CPMHE) organisent du 11 au 13 mai un colloque international sur le thème « Exposer l’esclavage ». Voir www.cpmhe.fr Des tables rondes réuniront au Théâtre Claude Lévi-Strauss, situé dans l’enceinte du musée, des artistes, chercheurs et écrivains de divers pays (par exemple, le poète Carpanin Marimoutou de la Réunion). Dédié à la mémoire d’Edouard Glissant, disparu au début de cette année, ce colloque s’inscrit dans le cadre des festivités de l’Année des Outre-mer, dont le commissaire général est le poète guadeloupéen Daniel Maximim. Celui-ci s’est exprimé dans l’hebdomadaire Jeune Afrique du 3-9 avril 2011 : « (…) La poésie est en général discrète, parfois même secrète, et elle parle quand on la laisse parler, c’est-à-dire toujours dans les moments essentiels, les grandes révoltes, les grands bouleversements. Les graffitis sur les murs font tomber les murs, de Berlin jusqu’au Maghreb. »

 

Poésie allemande – Trois poètes se glissent dans le n°116 (avril-mai 2011) de la revue Manière de voir ayant pour titre Allemagne, histoire d’une ambition. Wolf Biermann, « petit frère de Villon » et admirateur du poète Heinrich Heine, né à Hambourg en 1936. Installé en Allemagne de l’Est en 1953, Biermann, qui est également auteur-compositeur-interprète, fut privé fin 1976 du « droit de continuer à séjourner en RDA » pour avoir participé à un concert contestataire à Cologne. Lié au monde du théâtre, Heiner Müller (1929-1995), le dramaturge « anarchiste » et auteur de quelque 200 poèmes. Bertolt Brecht (1898-1956) n’est pas oublié avec un poème qui clôt un article sur une certaine nostalgie (« Ostalgie ») de la RDA…

 

« Pourquoi d’un coup un peuple décide-t-il d’en finir avec l’oppression ? Et avec la peur ? » (Tunisie) – Professeur de littérature comparée à l’université de Nanterre et animateur de « Cultures d’islam », chaque dimanche sur la radio France Culture, le poète (son père l’était aussi) Abdelwahab Meddeb, né en 1946, vient de publier Printemps de Tunis. La métamorphose de l’Histoire, chez Albin Michel. Il s’agit du premier ouvrage analysant la « révolution de jasmin » dans son pays natal, écrit en une vingtaine de jours, entre Paris et la capitale tunisienne.

 

« La poésie n’est pas qu’une jolie petite fleur. Pour moi, c’est le monde, c’est la vie. » (Corée du Sud) – Il n’est pas trop tard pour rappeler la sortie en DVD (Diaphana Edition Vidéo) de Poetry, prix du scénario au Festival de Cannes en 2010. Un mélodrame au rythme lent, une réflexion sur la condition humaine, du réalisateur sud-coréen Lee Chang-dong, qui fut ministre de la Culture dans son pays en 2003-2004. Dans une ville de province, Mija, une grand-mère sexagénaire qui élève seule son petit-fils, interprétée par la star coréenne Yun Jung-hee, s’initie à la poésie, à la maison de la culture de son quartier. Elle a un mois pour écrire un poème à remettre à un professeur de littérature, alors que se manifeste la maladie d’Alzheimer… En bonus, une interrogation du réalisateur sur le cinéma et la poésie, et un choix de poèmes coréens contemporains. « Comme les plus grands poèmes, ce film nous laisse à jamais l’empreinte de sa bouleversante délicatesse. » (Le Parisien, 25/08/2010).

 

« Un poème aussi envoûtant que mystérieux, bien que relativement simple dans sa narration. » – Dans le Mad, magazine des arts et du divertissement, du quotidien Le Soir du 13 avril 2011, critique élogieuse du dernier film du réalisateur portugais Manoel de Oliveira, originaire de Porto, âgé de 102 ans ! Il entama sa carrière à la fin de l’ère du cinéma muet… L’Etrange Affaire Angélica, un drame dont l’ébauche du scénario date du début des années 1950, « met le temps en suspens, en écho aux célèbres vers de Lamartine, que le cinéaste cite (« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! ») (…) Le cinéaste portugais se fait par moment chagallien, (…) »

 

Chagall et la Bible – Au musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à Paris, jusqu’au 5 juin 2011, une exposition retrace le processus de création, de 1930 à 1956, de 105 gravures (eaux-fortes) illustrant des épisodes bibliques par Marc Chagall (1887-1985). L’artiste, né en Biélorussie, décrivait la Bible « comme la plus grande source de poésie de tous les temps ». Il se servit notamment d’une traduction de la Bible en yiddish par le poète Yehoyesh (Yehoash Solomon Bloomgarden, 1870-1927). Chagall avait aussi travaillé sur les Fables de La Fontaine en 1927 (publication en 1952) et illustré en 1930 des poèmes de Lyesin (nom de plume d’Abraham Walt), parus en 1938 dans le recueil Chants et Poèmes. Voir www.mahj.org

 

« entre poésie et mystique, existent tant de correspondances au sens où l’entendait Baudelaire » – Avec L’Eau à la bouche. Poésie, ma saison, aux éditions Desclée de Brouwer (Paris), dans la collection « Littérature ouverte », Colette Nys-Mazure, née à Wavre (Belgique) en 1939, livre son choix de poèmes favoris. Sont mis à contribution François Villon, Joachim du Bellay, Hélène Dorion, Achille Chavée, Jules Supervielle, André Schmitz, Liliane Wouters, etc. Voir www.colettenysmazure.be

 

« Il fut d’abord un immense poète, d’une dimension véritablement prophétique. » (Fabrice Luchini) – Long entretien avec l’acteur dans un hors-série du Figaro (mars 2011), Céline, une saison en Enfer. Présenté comme l’un des « gardiens du temple » célinien, Luchini interprète sur scène depuis 1985 (à l’époque, à la demande de Jean-Louis Barrault et de Madeleine Renaud) les textes de « l’infréquentable de la littérature française ». Le comédien, qui lit La Fontaine, Baudelaire, Rimbaud et d’autres auteurs au Théâtre de l’Atelier, à Paris, depuis le début du mois de mars, a tenu les propos suivants : « (…) Le génie de Céline est analogue à celui de La Fontaine. (…) Quelle est son ambition ? Déjouer les conventions des plumitifs, en restituant l’émotion de la langue parlée dans le langage écrit. Et il y est parvenu : c’est un événement colossal. (…) Il a découvert bien avant Duras (qui le méprisait) la force poétique de la répétition. (…) Il atteint à la poésie de l’oralité avec une langue très écrite. Il renouvelle la manière dont une phrase est construite à tel point que l’on reconnaît d’emblée sa musique. (…) François Villon est sans doute à ses yeux un bon poète. (…) Le grand écrivain, c’est pour lui La Fontaine. (…) Céline, comme La Fontaine, comme Villon, comme Rabelais, comme Rimbaud, fait entrer la vie dans la littérature. (…) Céline n’est pas un écrivain de la psyché. C’est un écrivain de la vie. (…) En désarticulant la langue, il l’a libérée pour coller au concret et, par là, à la poésie des choses. (…) » Voir Fil du 1/03/2011.

 

Merci, Aimé Césaire – Le 6 avril dernier, le poète martiniquais est donc entré, symboliquement, au Panthéon, à Paris, où une fresque représentant quatre périodes de la vie de Césaire a été dévoilée en présence du président de la République et près d’un millier d’invités. A également été inaugurée une plaque commémorative avec la citation tirée du poème Calendrier lagunaire : « J’habite une soif irrémédiable, j’habite l’espace inexploité ». La dirigeante socialiste Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle de 2007, a rendu un vibrant hommage, dans l’hebdomadaire Jeune Afrique du 10-16 avril 2011, « au poète dont le lyrisme incandescent a fait, disait son ami René Depestre, œuvre de marronnage vivifiant dans les veines de la langue française . » Remarquons la parution, aux éditions Honoré Champion (Paris), de La Poésie d’Aimé Césaire. Propositions de lecture accompagnées d’un lexique de l’œuvre, par le Sénégalais Papa Samba Diop, professeur de littérature francophone à l’université Paris-Est Créteil. Un extrait a été repris dans Le Magazine Littéraire de mars 2011 : « Parmi les auteurs français des XIXème et XXème siècles, c’est à Rimbaud, Mallarmé, André Breton ou encore Paul Claudel que la critique affilie le plus souvent Aimé Césaire (…). Toutefois, il conviendrait d’élargir cette parenté à José Maria de Heredia, Cubain d’origine, qui a choisi d’écrire en français, et dont l’œuvre littéraire témoigne d’irrécusables influences de Leconte de Lisle, Victor Hugo ou encore Baudelaire. »

 

Festival international de poésie (Cuba) – Les poètes d’Amérique latine seront largement représentés à cette manifestation qui se tiendra à La Havane du 24 au 30 mai 2011. Des lectures sont prévues dans les musées, les centres culturels, les écoles, etc. Le thème central sera « Donnons une opportunité à la paix ». Voir www.cubapoesia.cult.cu

 

Abdellatif Laâbi (Maroc) – Prix Goncourt de la poésie en 2009, Abdellatif Laâbi, né en 1942 à Fès, a reçu le prix international de la littérature francophone « Benjamin Fondane » 2011, qui récompense depuis 2006 un écrivain francophone dont la langue maternelle n’est pas le français. Ce prix, initié par l’Institut culturel roumain de Paris (en coopération avec l’association « le Printemps des poètes »), avait été remis en 2010 à un autre poète, l’Haïtien Jean Métellus.

 

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