poésie à l'écoute

Fil – Actualité poétique (06/09/2011)

A quoi s’engage le poète (Argentine) / La poésie à Sparte / Pierre Seghers (France) / Deux poètes japonais / Su Shi (Chine) / Shi Zhi (Chine) / Manuel António Pina (Portugal) et Nimrod (Tchad) / La Wallonie des grands poètes / Rimbaud / Allain Leprest (France) / Dixit (Philippe Meyer) / Jacint Verdaguer (Catalogne) / Poésie et libertinage / Giuseppe Ungaretti (Italie) / Mémoire du Moyen Âge dans la poésie contemporaine / Ko Un (Corée du Sud). 
A quoi s’engage le poète (Santiago Sylvester) – Dans l’édition d’août 2011 du Monde diplomatique, le poète argentin Santiago Sylvester, né en 1942, s’exprime sur l’engagement de l’art. « (…) Le Siècle d’or espagnol n’aurait pas vu le jour sans la construction castillane de l’hendécasyllabe [vers de onze syllabes] italien, transporté d’une péninsule à l’autre par les poètes Garcilaso de la Vega [v.1500-1536] et Juan Boscán [v.1490-1542]. Il en aurait été de même de la modernité sans l’apport du vers libre, ou de la sensibilité poétique actuelle sans l’élaboration formelle du début du XXème siècle. (…) »Un autre passage a retenu notre attention : « (…) Lors d’une conversation, Javier Adúriz [1948-2011], un poète argentin, me précisait : « Le poète doit dire des choses impressionnantes. » Il ne réclamait pas des dragons ou des crimes passionnels, mais soulignait que l’œuvre doit nous faire percevoir quelque chose que, jusqu’alors, nous ne connaissions pas. En un mouvement de découverte qui relève d’une sorte d’éblouissement. Et ce sont les mots, la structure, le format qui le permettent. C’est là ce qui transformera en « impressionnants » les sujets les plus attendus, comme l’amour, la religion ou la politique. (…) »

La poésie à Sparte – La poésie se glisse dans le n°56 (juillet-août 2011) d’Histoire antique et médiévale, son dossier traitant de « La puissante cité de Sparte », la grande rivale d’Athènes. Sandra Boehringer, maîtresse de conférences d’histoire de l’Antiquité grecque à l’université de Strasbourg, souligne que « contrairement aux idées reçues, Sparte n’a pas toujours été une cité austère, fermée sur elle-même ». De fait, « les poètes étaient des figures importantes de la vie publique et ils étaient respectés par l’ensemble des citoyens. (…) les poèmes étaient destinés à être chantés, par une personne seule ou par un chœur (les poètes composaient les paroles et les mélodies de leur chant), et il n’est pas possible de distinguer la poésie de la musique (…). On parle donc de poésie mélique, du terme grec melos – « le chant », pour désigner des arts multiples qui se conjuguent lors d’une même performance. (…) »Sont mentionnés Alcman (VIIème siècle avant J.-C.), « l’un des premiers poètes lyriques grecs » et probable poète officiel de la cité, qui composa des Parthénées, « genre poétique dont on sait qu’il était très pratiqué dans l’Antiquité » ; Terpandre, originaire de Lesbos, « très célèbre en son temps » (seconde moitié du VIIIème siècle ou VIIème siècle avant J.-C), mais seule une dizaine de ses vers est parvenue jusqu’à nous ; Tyrtée, né à Sparte et qui vécut à la même époque que Terpandre, connu pour ses élégies, des chants patriotiques, dont subsistent quelque 200 vers.

Pierre Seghers, traverser la vie en poésie (La Croix, 22 août 2011) – Jusqu’au 7 octobre 2011, une exposition au musée du Montparnasse à Paris retrace le parcours de « Pierre Seghers – Poésie, la vie entière ».  Des lectures, des rencontres, des projections d’archives et de films sont programmées en septembre autour de l’oeuvre et de la personnalité de l’éditeur et poète. Pierre Seghers (1906-1987) aura publié plus de 2.000 poètes du monde entier… « Si la poésie ne vous aide pas à vivre, faites autre chose. Je la tiens pour essentielle à l’homme autant que les battements de son coeur. » (Le Temps des merveilles, 1978). Voir www.museedumontparnasse.netRappelons ici la parution en 2010, chez Doucey éditions (Paris), de Comme une main qui se referme : poèmes de la Résistance, 1939-1945. Un recueil des écrits « de combat » de Pierre Seghers pendant la Seconde Guerre mondiale.

Deux poètes japonais – La quantité d’informations sur la poésie est telle que nous devons opérer des choix… Mais il nous faut revenir sur deux articles parus au printemps dernier dans l’hebdomadaire Courrier International. Le premier, dans l’édition datée du 28 avril 2011, s’intitule Des « tanka » pour conjurer Hiroshima et Nagasaki, traduit de l’hebdomadaire Aera (Tokyo). Il analyse l’œuvre poétique de Tsutomu Yamaguchi, décédé début 2010 à l’âge de 93 ans. Grièvement brûlé à Hiroshima le 6 août 1945 par le largage de la première bombe atomique, il rentra à Nagasaki, où il résidait et travaillait… ville dévastée par une deuxième bombe le 9 août !Une sélection de ses tanka [poèmes sans rime de cinq vers et trente et un pieds] a été publiée aux Etats-Unis, en anglais et en japonais, par Chad Diehl, doctorant à l’université de Columbia. Celui-ci a décidé de poursuivre l’œuvre de son mentor : « grâce à ces tanka, le monde saura qu’il est possible de dépasser l’horreur de la bombe et d’aller vers le pardon, le stoïcisme, la paix ». Il lui a dédié un poème en japonais : « Pluie de prunes / Pluie noire / Mon maître de poésie / En vivant sous ton toit / J’ai découvert la vérité. »Incontournable Kenji Miyazawa est le titre de l’autre article, publié le 12 mai 2011. Un court portrait de ce poète et conteur [pour enfants, 1896-1933], qui « occupe une place singulière dans le paysage littéraire nippon. (…) son poème Amenimo makezu (Ne pas céder à la pluie) est un classique que tout enfant japonais est amené à apprendre au cours de sa scolarité. (…) les valeurs contenues dans cette poésie reviennent sur le devant de la scène, (…) « La lecture de Miyazawa est un encouragement précieux, qui permet de repenser l’homme par rapport à la nature qui l’entoure et de retrouver les vertus de l’entraide », remarque le [quotidien] « Nishi Nippon Shimbun ». »

« la poésie, une propédeutique à la transformation de soi et du monde » (Chine) – Dans Le Point Références n°7 (mai-juin 2011), nous trouvons un portrait de Su Shi (1037-1101), haut fonctionnaire de la cour impériale de la dynastie Song, « qui incarne aujourd’hui le lettré chinois par excellence, immense poète, calligraphe et peintre ». Celui qui fut « le premier véritable penseur de l’esthétique chinoise » devint aussi un anticonformiste, ce qui explique sa carrière chaotique et sa condamnation à mort, en 1080, pour crime de lèse-majesté. Gracié et exilé à deux reprises, il composa encore des poèmes, lesquels sont appris dans les écoles d’aujourd’hui. Ici, on peut lire J’ouvre la porte, extrait de son recueil Nocturne en barque. Ajoutons que l’auteur de l’article, le sinologue Stéphane Feuillas (université Paris 7-Diderot), a traduit l’année dernière les Commémorations de Su Shi pour les éditions Les Belles Lettres. Voir Fil du 6/05/2011.

Shi Zhi (Chine) – C’est le nom de plume du poète Guo Lusheng, né en 1948. China Daily, hebdomadaire anglophone destiné à informer le public européen sur l’ « empire du Milieu », lui a réservé une page, avec photo, dans son édition des 10-16 juin 2011. Guo a commencé à écrire en 1965, dans un style novateur pour l’époque, ses poèmes n’allant pas dans le sens de la « révolution culturelle » voulue par Mao… Arrestation, tabassage, exil intérieur (au cours duquel il rédige des poèmes d’amour tragique), incorporation dans l’Armée populaire de Libération en 1970 : il est atteint d’une grave dépression. Hospitalisé en 1973, une schizophrénie est diagnostiquée. Sa poésie témoigne depuis lors de ses tourments mentaux, lui qui a passé de nombreuses années dans une institution psychiatrique de Pékin. « C’est la poésie et un cœur cultivé par la poésie qui ont sauvé ma vie » a déclaré Guo, qui habite actuellement dans un appartement au nord de la capitale. De sa production, une anthologie en anglais devant paraître cet automne aux éditions « University of Oklahoma Press », l’hebdomaire a reproduit This is Beijing at 4 :08.

Manuel António Pina (Portugal) et Nimrod (Tchad) – Né en 1943, « héritier de Pessoa », le journaliste et poète portugais a reçu le prix Camões 2011, la plus importante distinction littéraire de langue portugaise. Sa première anthologie disponible en français est Quelque chose comme ça de la même substance, datant de 1992, traduite aux éditions L’Escampette (Bordeaux) en 2002. Autre poète primé, le Tchadien Nimrod Bena Djangrang, né en 1959. Le prix Max Jacob 2011 lui a été remis pour son recueil Babel, Babylone, paru l’année dernière dans la collection « Les solitudes », aux éditions Obsidiane (Sens) : « il y a dans le nouveau recueil de Nimrod quelque chose de très circonvoisin de Césaire et Senghor, qui suit l’un sur le chemin de la rébellion supérieure, et l’autre sur celui de la pacification par la langue. Un homme cherche sa vie dans sa vie même, comme une boussole qu’il aurait découverte dans l’âge mûr et qui le réoriente par le poème. Il revisite alors le demi-siècle de son existence sur terre – de son quartier d’enfance à New York, de la poussière ndjaménoise à la neige d’Ann Arbor. »

La Wallonie des grands poètes – Le n°16 (2011) du magazine S’il vous plaît de l’Office Walllonie-Bruxelles Tourisme se fait l’écho des activités organisées en 2011 pour mettre à l’honneur les célèbres gens de lettres qui ont parcouru cette région de Belgique, poètes inclus : « C’est à Mons que Verlaine passa 448 jours en prison pour avoir, le 10 juillet 1873, tiré sur Rimbaud à coups de revolver ! Souvenir mémorable pour la ville ! Autant que ceux laissés par Apollinaire à Stavelot, où il quitta l’hôtel… à la cloche du bois ! La ville ne lui en tient pas rigueur puisqu’un magnifique musée lui est consacré. (…) » Est signalée la parution de La Wallonie vue par les grands écrivains, aux éditions Luc Pire (Liège). Yves Vander Cruysen et Tommy Leclercq ont reconstitué l’itinéraire wallon de nombreux gens de plume, dont Charles Baudelaire, Nicolas Boileau, Lord Byron, Achille Chavée, Paul Claudel, Jean de La Fontaine, Gérard de Nerval, Théophile Gautier, Victor Hugo, Johann Goethe, Francis Jammes, Arthur Rimbaud, etc. Voir www.walloniedesecrivains.be

Rimbaud, « fulgurance inépuisable » – Du 16 au 24 septembre 2011, « Les Subsistances », laboratoire international de création artistique basé à Lyon, hébergeront un spectacle original : « Z » Je me crois en enfer donc j’y suis ». Lukas Hemleb, metteur en scène allemand, offre un voyage à la rencontre de Rimbaud, en notes et musiques. Sur une construction en bois brut de Tadashi Kawamata, plasticien japonais, deux musiciens (Ned Rothenberg et Kazuhisa Uchihashi) et trois acteurs feront « entendre autrement Rimbaud, météorite de la poésie française, perpétuel incandescent. » Un quintet de voyageurs partant pour Une saison en Enfer  de 90 minutes ! Voir www.les-subs.com

Allain Leprest, un « Rimbaud des temps modernes » (France) – C’est le titre de l’hebdomadaire L’Express pour nous informer de la mort du chanteur et parolier Allain Leprest, âgé de 57 ans. Atteint d’un cancer, ce « poète écorché » a mis fin à ses jours le 15 août dernier à Antraigues-sur-Volane (Ardèche), village où vécut et repose son ami Jean Ferrat… Fuyant le vedettariat, mais très apprécié par ses pairs (« de Fugain à Olivia Ruiz, d’Higelin à Enzo Enzo, de Nilda Fernandez à Hervé Vilard, [qui] communiaient autour de ses textes », L’Humanité, 16 août 2011), il avait entamé sa carrière en 1981 avec le recueil de poèmes Tralahurlette, édité à Rouen. Grand Prix in honorem 2008 de l’Académie Charles Cros pour l’ensemble de son oeuvre d’auteur et de sa carrière d’interprète, il s’était vu décerner le Grand Prix des poètes de la SACEM en 2010. Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a salué en Allain  Leprest « un artiste immense et rare, l’un des plus représentatifs de cette si riche tradition française d’une chanson aux textes longuement médités. »

Dixit – Philippe Meyer, auteur de L’or du Rhin, histoire d’un fleuve (éditions Perrin) : « Voir le Rhin encaissé entre Coblence et Mayence, c’est voir la Lorelei, les génies, les mythes, les poètes comme Heinrich Heine, mais aussi le pire des cauchemars comme le nazisme. L’histoire, la culture et la géographie s’en mêlent et s’emmêlent. » (Le Point, 9 juin 2011)

« Le prince des poètes catalans » – Figure majeure de la renaissance des lettres catalanes, Jacint Verdaguer (1845-1902) avait publié en 1886 Canigó, suite à un séjour au Pic du Canigou, dans les Pyrénées-Orientales. Il s’agit d’un poème épique en 12 chants, dédié aux Catalans français, qui évoque une légende pyrénéenne du temps de la Reconquête. Une éditions bilingue (français-catalan) est parue chez l’éditeur MonHélios (Oloron-Sainte-Marie, France), dans la collection « Littératures pyrénéennes », volume 16.

Poésie et libertinage – Consacrant un dossier et sa couverture à Casanova (« l’épopée d’un séducteur »), l’hebdomadaire Le Vif-L’Express du 5-11 août 2011 a proposé en supplément à ses lecteurs un livre qui vient de sortir aux éditions Garnier, Les plus grands textes libertins. Choisis et présentés par Catriona Seth, professeur de littérature française et spécialiste du siècle des Lumières à l’université de Nancy 2. La poésie est bien représentée dans ce volume… Papillon de Lasphrise (1555-1599) avec L’Amour passionnée de Noémie, Jean de La Fontaine (1621-1695) et Comment l’esprit vient aux filles, l’abbé Gabriel-Charles de Lattaignant (1697 ?-1779) avec Le Mot et la chose, Olivier de Magny (1529-1561) et De ses désirs, à sa mie et Odes, Pietro Aretino, « l’Arétin » (1492-1556) avec la pièce IX de ses Sonnets luxurieux, Verlaine (1844-1896) et son Ouverture, Charles d’Orléans (1394-1465) avec son Rondeau.

Giuseppe Ungaretti (Italie) – Témoignage d’un poète italien dans la Grande Guerre, Giuseppe Ungaretti (1888-1970) est au centre d’une exposition qui se tient au Centre mondial de la paix de Verdun (Meuse), jusqu’au 23 septembre 2011 : « Pendant la guerre, Ungaretti compose une série de poésies poignantes et émouvantes, compilées en 1916 sous le titre Il Porto Sepolto. » Voir www.cmpaix.eu

« Mémoire du Moyen Âge dans la poésie contemporaine » – C’est le sujet qui sera étudié du 15 au 17 septembre 2011 en région parisienne lors d’un colloque organisé par les départements de littérature de l’Ecole normale supérieure et des universités de Paris 8 et de Paris 4  Au menu, des lectures critiques d’œuvres médiévales et contemporaines, ainsi que des expositions, en associant poètes, traducteurs et chercheurs. On relève dans le programme : « L’effet épitaphe : François Villon et Franck Venaille », « La connaissance du soir de Joë Bousquet à l’ombre de la poésie des troubadours », « Le Moyen Âge d’Yves Bonnefoy : un sacré pour aujourd’hui ? », « Une conquête tardive : les formes de la poésie médiévale dans la littérature hongroise contemporaine » ou encore « Seamus Heaney, lecteur du Beowulf ». Voir www.lila.ens.fr/spip.php?rubrique27/

Ko Un (Corée du Sud) – Qui sera, début octobre, le prix Nobel de littérature 2011 ? Méconnu chez nous, le grand poète sud-coréen Ko Un, ancien moine bouddhiste né en 1933, est considéré comme un outsider. Engagé dans la lutte contre la dictature et les injustices sociales, il fut emprisonné plusieurs fois au cours des années 1970 et 1980. « Il est sans doute l’auteur le plus prolifique de son pays. Même lui ne sait pas exactement combien de livres [nouvelles, romans, essais, pièces de théâtre, traductions] il a publié. » (Books, juin 2011). On compte en tout cas une quarantaine de volumes pour son œuvre en poésie. Ses Chuchotements, « véritable ode au dépouillement », datés de 1997, ont été traduits en français et sont disponibles aux éditions Belin depuis mars dernier. Un recueil rédigé après une visite éprouvante au Tibet… « Le voyage sur le toit du monde s’est révélé un retour aux sources et une ascèse qui ont purifié son inspiration » ont noté ses deux traducteurs.

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